Il emménage alors avenue Poincarré, dans le 16ième arrondissement, où ses deux filles l’ont rejoint en 1931 après avoir quitté les grands-parents Barrois, à la mort de leur grand-père. C’est en fait sur les conseils de Victor, l’aîné des enfants Babet, que les adolescentes rejoignent leur père. Raphaël écoutait volontiers son aîné de dix ans qui était à ses yeux le chef de famille.
Les deux adolescentes sont élevées par une gouvernante suisse, le dimanche, la famille se rend dans la vallée de Chevreuse où Raphaël Babet loue la villa « Les Tilleuls ». L’été, Myriam et Claude passent habituellement leurs vacances aux Sables-d’Olonne, une des plages à la mode des années 30.
Myriam et Claude sont inscrites au lycée Victor Duruy. Pour s’y rendre, le chauffeur n’a qu’à descendre la colline de Chaillot, longer la Seine et la traverser sur le Pont Alexandre 3. Le lycée Victor Duruy donne sur l’esplanade à l’ombre des Invalides. Parcours de reines pour aller à l’école.
Raphaël Babet se remarie le 2 septembre 1933 avec Marie-Jeanne Saurin, veuve en première noce de Robert Caroll Watkins citoyen américain, puis de Dorr Eugène Felt également américain avec qui elle s’était remariée en 1929 à Paris. Elle a 46 ans lors de son mariage avec Raphaël Babet, lui n’en a que 39.
Les années 30 sont celles des Américains à Paris, artistes et hommes d’affaires sont nombreux à fréquenter la capitale. Raphaël, qui importe des carburants des Etats-Unis est en relation avec eux. C’est dans ce milieu qu’il a certainement rencontré Marie-Jeanne et ce mariage a des allures de mariage d’affaires.
Les deux époux ne se sont pas mariés sous le régime de la communauté, ils ont fait établir un contrat chez Maître Durand des Aulnois, notaire à Paris. Marie-Jeanne garde sa citoyenneté américaine qu’elle avait acquise par ses précédents mariages, ce qui lui permet, en particulier, de conserver ses droits sur la fortune américaine de son second mari.
Le couple fonde un cabinet d’assurance, « Le Soutien » et un établissement de crédit automobile, la « Banque Babet, Saurin & Cie ». L’éventail des sociétés de Babet qui couvrent le domaine de l’automobile intègre maintenant les établissements financiers. Babet se trouve donc à la tête d’un véritable groupe industriel, on pourrait presque parler d’un empire. On imagine facilement la satisfaction orgueilleuse de l’ancien « boy sans solde » contemplant l’en-tête de sa dernière création : la « Banque Babet & Cie ».
Pour couronner cette ascension sociale, Raphaël Babet est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1935. Ses employés lui offrent un exemplaire de la médaille avec une plaquette en argent portant l’inscription : « Le personnel de la maison Salvaor à Monsieur R. Babet Chevalier de la Légion d’honneur. 4 avril 1935 ». Cette médaille est un des rares objets personnels restés en possession de la famille.
L’installation dans le 16ième arrondissement et la Légion d’honneur, sont les marques éclatantes de la réussite sociale de Raphaël Babet. On ne peut s’empêcher de penser à Rastignac ou à Bel Ami d’autant plus que lui aussi pense au palais Bourbon.